Hier, 11 mars 2012, était le bien triste anniversaire d'une triple catastrophe au Japon : le tremblement de terre du Tohoku, le tsunami qui s'ensuivit et l'accident nucléaire à la centrale de Fukushima-Daiichi.
Parmi ces trois catastrophes, une seule aurait pu être évitée, une seule est le fait de l'homme, je veux bien sûr parler de la petite centrale atomique qui nous pourrit le quotidien depuis un an maintenant.
Il y a presque un an, j'étais en France, essayant via internet de récolter le maximum d'informations sur cette centrale, de faire un compte-rendu objectif de la situation à Pompier, de faire le lien avec sa famille, et Pompier, fuyant le territoire japonais après plusieurs jours à ne pas dormir, à ne boire que de la bière et trouvant enfin refuge en Corée titrait son mail "Séoul, mon amour".
Il était donc évident pour nous de passer notre dimanche après midi à manifester contre le nucléaire.
Alors qu'en France on se mobilise pour un rien et surtout pour n'importe quoi (combien de pétitions débiles pour sauver Kiki-le-cheval de la boucherie réunissent plus de signatures que le mouvement contre le nucléaire???) ici les japonais ne savent pas aller dans la rue, disons que ça ne fait pas partie de leur culture de protester. Quand on est 2.000 personnes c'est déjà un beau rassemblement !!
Mais avec les évènements de Fukushima les consciences s'éveillent, les femmes notamment se rendent compte qu'elles ont un poids, une voix, et c'est la société japonaise toute entière qui est en complète mutation aujourd'hui. (Ça, c'est pas de moi je n'ai pas une vue assez globale, mais je pense que c'est très vrai)
Mais avec les évènements de Fukushima les consciences s'éveillent, les femmes notamment se rendent compte qu'elles ont un poids, une voix, et c'est la société japonaise toute entière qui est en complète mutation aujourd'hui. (Ça, c'est pas de moi je n'ai pas une vue assez globale, mais je pense que c'est très vrai)
A 14h46 hier, le pays entier s'est immobilisé pour cinq minutes de silence. Notre train s'est arrêté et tout le monde a enlevé son chapeau, baissé la tête, prié.
Les drapeaux étaient en berne, bien sûr.
Nous avons rejoint le premier cortège que nous avons croisé. En fait, comme je l'ai déjà expliqué auparavant les manifestations sont encadrées au maximum par les forces de police, devant, derrière, sur les côtés, et surtout sont scindées en plusieurs groupes afin de minimiser l'impact visuel sur le passant lambda.
On a donc vu d'autres cortèges qui traversaient les avenues, mais tout était organisé pour que nous ne nous rejoignons pas. En fait on a joué au chat et à la souris, mais en programmé.
Parfois deux cortèges se croisent quand même et ça donne ça : on a l'impression d'être enfin un peu nombreux, les gens se saluent et se prennent en photo.
Oh !! Vous aussi vous pensez comme nous?! |
Les gens rivalisant d'ingéniosité pour s'exprimer, l'art était omniprésent. Déguisements, sound system avec chanteuse, fanfare funèbre, pancartes faites maison, fresques ont fleuri hier à Tokyo.
Et c'était bon de voir ça.
Après une petite heure de déambulation dans les rues (au passage, pas les rues les plus fréquentées, il ne manquerait plus que ça gêne les touristes ou les "bons" japonais qui font les magasins!!!) une chaine humaine était organisée autour du parlement de Tokyo.
Au fond, le parlement. Comme dit Pompier : "On dirait un crématorium" |
Et quand je dis "organisé", c'est agencé, canalisé, structuré à la japonaise !!! Comme il s'agit d'une chaine humaine on ne doit pas occuper tout le trottoir, sinon ça gênerait les passants. Quoi de mieux alors qu'une barrière tout le long de la chaine pour éviter les débordements???
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Au Japon, les policiers ont moins une mission de répression que d'encadrement, c'est du moins mon ressenti. Ici il y a un "Koban" (sorte de permanence de gendarmerie de proximité) à tous les coins de rue, on vient y demander son chemin quand on est perdu, et ils nous réprimandent gentiment quand on est à deux sur un vélo à 3h du matin parce que c'est "pas bien".
Pour une manifestation pareille on a vu des dizaines de cars de policiers, mais ils étaient surtout là pour poser leurs petits plots ou faire la circulation.
Un policier tous les deux mètres, qui dit mieux? |
Du coup on les aime bien ici les policiers, la plupart des manifestants respectent les "conseils" donnés par les forces de l'ordre.
...à part peut être ce jeune homme avec son blouson "anti police" |
Bon je ne me suis jamais fait arrêter au Japon, mais j'ai rencontré un activiste anti-nucléaire français sur une autre manif qui s'est fait arrêter, il a eu droit à trois jours de prison (!!!) et dans des conditions très peu enviables, donc c'est vraiment du ressenti quand je dis qu'ils sont kawaii...
Mais enfin quand même, j'aime bien celui-ci, tout blasé... |
Nous avons donc attendu environ une heure que le cortège s'étale sur le pourtour du parlement. Victime de son succès, la chaine humaine a fait presque deux fois le tour du complexe, et à part trois clampins exaltés et entourés de flics qui hurlaient un truc comme (sans doute) "les centrales, c'est trop bien, vous n'êtes que des hippies!" on était heureux de voir que de nombreux japonais se bougeaient.
Et encore, les japonais qui vont dans la rue sont une minorité !!! On a des amis ici qui sont contre le nucléaire, qui veulent vraiment que les choses changent, mais quand on leur a proposé de venir avec nous à cette manifestation, leur seule réponse à été "impossible". Pourquoi? Je n'ai pas vraiment compris...
La nuit tombant, on nous a distribué des bougies, et la chaine humaine
J'avais envie de parler de ça car aujourd'hui dans les médias tout le monde parle uniquement du tsunami, et j'ai eu du mal ce matin à trouver sur internet ne serait-ce qu'un article qui évoque cette chaine humaine à laquelle nous avons participé... Nous étions pourtant des milliers !!!
Même les blogs de gens qui vivent ici n'évoquent que très peu sinon jamais la centrale de Fukushima, comme si le pays n'avait aucun problème... Politiquement correct? Est ce que parler du nucléaire au Japon impliquerait une sorte de désamour de ce pays?
Même les blogs de gens qui vivent ici n'évoquent que très peu sinon jamais la centrale de Fukushima, comme si le pays n'avait aucun problème... Politiquement correct? Est ce que parler du nucléaire au Japon impliquerait une sorte de désamour de ce pays?
Je n'ignore pas la réalité du tsunami et de ses quelques 20.000 morts et disparus, et ce blog n'a pas pour vocation d'être un blog politique, mais je trouvais important de vous dire qu'ici, même si on en parle peu dans les médias, les gens bougent...
Et je vous laisse avec ma bougie préférée...
PS : En bonus, quelques liens qui me permettent de me tenir au courant sur "Fukushe" :
http://www.scoop.it/t/fukushima-informations
http://www.gen4.fr/blog/
http://lesveilleursdefukushima.blogspot.com/
http://fukushima.over-blog.fr/
Et deux documentaires vus sur internet récemment (de la BBC, en anglais):
Le 11 mars vu par les enfants de Fukushima : http://www.youtube.com/watch?v=D_AxnoNrr_8
Les premiers jours, les enjeux, l'héroïsme : http://www.youtube.com/watch?v=IwBELPtVUCA&feature=share